L'excision est une coutume encore pratiquée dans 28 pays d'Afrique et dans d'autres pays moins connus. La France abrite de nombreuses femmes excisées qui préfèrent rester silencieuses sur cet acte qui les a marquées à jamais. Ces femmes préfèrent garder l'anonymat puisque c'est un sujet qu'on ne va pas crier sur tous les toits, mais tous les 6 février de l'année, la société leur donne une journée rien que pour elles pour sortir de l'ombre, même si elles sont rares à oser se montrer. Heureusement, qu'en dehors de cette journée, ces femmes peuvent compter sur le soutien des professionnels de la santé. La médecine va même jusqu'à leur proposer une chirurgie reconstructrice pour gommer les séquelles physiques de cet acte barbare et peut-être aussi les séquelles morales qui sont les plus dures à effacer.
L'excision
Elle consiste à amputer une partie de l'appareil génitale de la femme. Elle est semblable à la circoncision chez l'homme à la différence que chez la femme, cet acte chirurgical peut engendrer des douleurs permanentes, une incontinence, une dépression, des troubles identitaires, des psychotraumatismes et des troubles sexuels. La majorité des femmes qui ont été excisées n'ont pas de libido et ont même mal lors de la pénétration.
Des unités de soins spécifiques à leur disposition
Depuis de nombreuses années, environ 15 hôpitaux ont ouvert une unité de soins spécifiques pour les femmes excisées. Ces unités se composent d'une équipe pluridisciplinaire, car la douleur de ces femmes n'est pas seulement physique, mais surtout morale. En effet, presque la totalité des femmes sont excisées sans leur consentement alors qu'il s'agit de la partie la plus intime de leur être : leur sexe. Au sein des unités de soins spécifiques, elles pourront se confier à des médecins, des infirmiers, des psychologues, des sexologues et même des juristes. Tous ensemble, ces différents corps de métiers soutiennent les patientes et leur offrent une prise en charge thérapeutique.
Parmi les hôpitaux à proposer une telle unité, on cite le Centre hospitalier Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis qui a ouvert une unité il y a maintenant deux ans. Selon Ghada Hatem, chef du service gynécologique auquel est rattachée l'unité de soin, 16 % des femmes qui viennent accoucher dans cet établissement sont excisées. Leur rôle est donc de leur proposer une solution pour tourner la page sur cette période douloureuse.
Les unités trouvent-elles preneuses ?
La réponse est OUI, car en France, un peu plus de 50 000 femmes d'origine différente vivent avec une mutilation de leur appareil génital. Ces unités de soins spécifiques leur permettent d'extérioriser leur peine, douleur, ... et leur donnent enfin un espoir d'une meilleure vie. Selon Ghada Hatem, parmi les femmes qui viennent consulter, certaines présentent des troubles physiques, d'autres des troubles morales, mais il y a également des femmes qui viennent pour avoir la confirmation qu'elles ont ou non été mutilées. Il faut savoir que dans certains pays, l'excision se fait à la naissance et les femmes en grandissant n'en ont aucun souvenir si ce n'est les séquelles qu'elles ont du mal à expliquer.
Ces unités voient en moyenne une cinquantaine de patientes issues du monde entier et de tous âges. Des mères de famille viennent pour consulter, mais également des jeunes filles. Les profils ne sont jamais les mêmes, mais les victimes souffrent toujours du même mal.
Une chirurgie réparatrice possible
Une chirurgie réparatrice est effectivement possible pour aider ces femmes, toutefois, il faut savoir que la chirurgie n'est pas forcément la réponse au mal-être qu'engendre l'excision. Ainsi, avant de programmer une intervention chirurgicale, les médecins tenteront de savoir à la première consultation la problématique réelle. La femme souffre-t-elle d'une absence de libido ? Ressent-elle toujours des douleurs et dans quelles circonstances ? A-t-elle des problèmes identitaires ? ... Suite à la première consultation, un tiers des patientes seulement se feront opérer, soit environ huit à dix femmes par mois.
La chirurgie réparatrice est pratiquée depuis environ 10 ans dans les hôpitaux français. C'est l'urologue Pierre Foldès qui a créé cette intervention chirurgicale. Une opération dure environ 30 minutes et elle consiste à inciser la cicatrice au niveau de la vulve afin de libérer le reste du clitoris qui n'a pas été incisé. Comme Ghada Hatem le souligne, lorsque l'excision est réalisée au bas-âge, l'intervention se passe très vite et dans la majorité des cas, seul le capuchon du clitoris est coupé. Cela est surtout dû au fait que la petite fille se débat ce qui ne donne que très peu de temps pour réaliser l'excision.
Le résultat définitif
En général, une intervention chirurgicale réparatrice d'une excision donne souvent des résultats satisfaisants. Les femmes retrouvent un sexe normal au bout de six mois en moyenne puisque les terminaisons nerveuses vont se reconstruire petit à petit après l'intervention. Lorsque la reconstruction aura été faite, la femme pourra avoir des sensations et prendre même plaisir durant l'acte sexuel.
Se réapproprier son corps
Même si l'intervention réussit et que la femme retrouve un sexe normal, il lui faut souvent un certain temps pour reprendre à vivre. Certaines patientes sont même déçues de ne pas avoir d'orgasmes même au bout de six mois, mais comme le précise Ghada Hatem, c'est un fait assez naturel et compréhensible. En effet, avant que la femme ne puisse réellement apprécier le changement, elle doit d'abord faire un travail sur elle-même pour se réapproprier son corps. L'excision souvent assimilé à un viol, la femme excisée se déconnecte parfois de son corps pour oublier cette barbarie. De plus, comme le sexe est souvent considéré comme sale dans ces pays où l'on pratique l'excision, il va falloir un certain temps aux femmes pour se réapproprier leur corps.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les unités de soins spécifiques disposent d'une équipe pluridisciplinaire, car après l'opération, les femmes seront suivies pour les aider au niveau moral.
Prise en charge gratuite
Pour celles qui pensent ne pas avoir les moyens financiers nécessaires pour bénéficier d'une intervention chirurgicale, qu'elles se rassurent, car la prise en charge est totalement gratuite. La Sécurité sociale française rembourse intégralement la prise en charge depuis 2004, car selon les responsables, il ne s'agit pas d'une chirurgie esthétique classique, mais d'une opération humanitaire. Frédérique Martz nous rapporte un fait qui l'a marqué lorsque l'une de ses patientes lui a raconté ses impressions lors de sa première relation sexuelle après l'opération. Cette patient lui a dit qu'elle a demandé à son compagnon d'allumer la lumière et de lui faire l'amour dans la clarté, car c'était la première fois qu'elle n'avait plus honte de son corps.
Voilà ce que l'intervention chirurgicale donne à ces femmes victimes d'une excision.